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L’algue didymo dans les rivières serait due aux changements climatiques

26 février 2014

Mise à jour : 10 novembre 2020


Une nouvelle étude découlant d’une collaboration entre des chercheurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), de l’Université Queen’s et de l’Université Brock démontre que la diatomée Didymosphenia geminata  (une algue communément appelée « didymo ») ne peut pas être qualifiée d’espèce envahissante, du moins dans l’est du Canada, et suggère plutôt que ses éclosions seraient liées aux effets considérables que les changements climatiques planétaires ont sur les écosystèmes aquatiques.

 

Cette étude, publiée dans la revue Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, réfute donc l’hypothèse de l’introduction par les humains pour expliquer ces éclosions récentes de didymo, une idée reçue souvent véhiculée par les gestionnaires et les autorités responsables des écosystèmes fluviaux d’Amérique du Nord.

 

Cette espèce nuisible a été officiellement rapportée pour la première fois en Gaspésie à l’été 2006. Lorsque le fond rocheux de la rivière Matapédia a été recouvert d’un épais tapis d’algues, plusieurs gestionnaires responsables ont cru qu’une introduction par des utilisateurs récréatifs était l’explication la plus plausible de la présence de didymo dans la rivière. Cette algue a depuis proliféré dans toute la Gaspésie avec des éclosions observées dans plus de 25 rivières. Ces éclosions sont devenues source d’inquiétude en raison de la perturbation de l’habitat des saumons atlantique juvéniles et des conséquences négatives potentielles sur les populations vulnérables de salmonidés en général.

 

Or, une étude de sédiments lacustres datés et de leurs assemblages d’algues fossiles, ainsi que des comptes rendus historiques, ont permis d’apprendre que l’algue didymo était présente dans ces écosystèmes fluviaux depuis bien avant 2006. En effet, des frustules de didymo (capsules de verre pouvant être conservés dans les sédiments lacustres) ont été retrouvés dans une carotte de sédiment du Lac-au-Saumon et datés des années 1970, ce qui démontre que l’algue a été présente au moins depuis ces années dans le bassin versant de la rivière Matapédia.

 

Des restes d’algues préservés dans des carottes de sédiments datés de deux lacs de la Gaspésie ont été analysés et des données climatiques à long terme ainsi que des relevés historiques d’algues ont été obtenus. La reconstruction des communautés aquatiques du passé pour ces lacs corrobore les comptes rendus historiques du début du XXe siècle concernant la présence de didymo et met en évidence une tendance environnementale devenue familière : l’impact probable des changements climatiques sur les communautés régionales d’algues. Les auteurs de l’étude démontrent que la hausse des températures régionales à partir d’environ 1970 et un déglacement plus hâtif ont pu créer des conditions favorables à la croissance de didymo, permettant à l’espèce de proliférer pour produire les quantités observées.

 

Jusqu’à maintenant, les travaux de Carole-Anne Gillis, cosignataire de l’article et étudiante au doctorat en sciences de l’eau à l’INRS, ont démontré que l’algue didymo modifie la base de la chaîne alimentaire en rivière et que les saumons juvéniles répondent à la présence des tapis denses et fibreux en adoptant des stratégies comportementales différentes et une diète moins variée. L’ampleur de l’impact de didymo sur le saumon atlantique juvénile dans l’est du Canada sera encore mieux connue à l’automne prochain, date à laquelle l’étudiante devrait compléter sa thèse sur le sujet.

 

Cette recherche a été financée par l’Atlantic Salmon Conservation Foundation (ASCF) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

 

Lavery JM, Kurek J, Rühland KM, Gillis CA, Pisaric MFJ, Smol JP (2014) Exploring the environmental context of recent Didymosphenia geminata proliferation in Gaspésie, Quebec, using paleolimnology. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences (publié sur le web 26 février 2014). DOI: 10.1139/cjfas-2013-0442

 

 


Sources : Organisme de bassin versant Matapédia-Restigouche et Université Queen’s

Photo : Carole-Anne Gillis