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Les mécanismes par lesquels Leishmania leurre le système immunitaire se précisent grâce aux travaux de l’équipe de recherche d’Albert Descoteaux, professeur au Centre INRS–Institut Armand-Frappier, en collaboration avec l’équipe de Michel Desjardins de l’Université de Montréal. Publiés dans l’édition du 17 juillet 2013 de la respectée revue Cell Host & Microbe, leurs résultats identifient une des protéines clés à laquelle s’attaque le parasite. Cette avancée clarifie la façon dont Leishmania altère les fonctions des phagosomes, les compartiments des cellules immunitaires qui devraient les détruire, et pourrait mener à de nouvelles stratégies thérapeutiques.
Classée dans la catégorie des maladies tropicales négligées, la leishmaniose – la maladie causée par le protozoaire Leishmania – affecte 12 millions de personnes de par le monde, mais peu de traitements sont efficaces pour la soigner. Tout commence par la piqûre d’un insecte porteur, puis les formes cutanées ou viscérales se développent. La forme viscérale, qui s’attaque notamment au foie et à la rate, est souvent mortelle, alors que des lésions importantes et chroniques découlent de la forme cutanée. Le système immunitaire semble ne pas déceler la présence de cet intrus: son art du camouflage motive la traque que lui mènent les chercheurs.
À la suite de son entrée dans l’organisme, le parasite est en quelque sorte avalé par des cellules immunitaires, les macrophages. Habituellement, cette ingestion est le résultat de la formation de vacuoles, appelées phagosomes, dont le contenu acide tue et dégrade l’envahisseur. Mais, comme le professeur Descoteaux en avait déjà fait la preuve, Leishmania parvient à altérer les fonctions des phagosomes, de telle sorte que leur acidité est réduite. Cela lui permettait d’échapper à la mort.
Le chercheur pousse maintenant plus loin l’explication en démontrant que GP63, une enzyme présente à la surface du parasite Leishmania, découpe une protéine importante dans la formation des phagosomes et dans leur acidification. En clivant cette protéine, nommée VAMP8, Leishmania fait un doublé : les phagosomes n’arrivent ni à le tuer ni à obtenir des fragments de ses cellules qui serviraient ensuite à d’autres cellules immunitaires de l’identifier. Il passe donc inaperçu et peut proliférer dans son hôte.
« Il s’agit d’une des nombreuses stratégies de Leishmania, rappelle Neda Moradin, étudiante au doctorat en virologie et immunologie dans le laboratoire du professeur Descoteaux et co-premier auteur de l’article publié dans Cell Host & Microbe. Cette nouvelle information est loin de révéler tous les trucs de ce parasite, mais elle nous indique des pistes intéressantes pour la poursuite de nos recherches. » En effet, VAMP8 appartient à une grande famille de protéines – qui régulent des processus membranaires comme la formation de vacuole – dont d’autres membres pourraient également être victime de GP63.
Les résultats publiés contribuent non seulement à démystifier les armes utilisées par Leishmania, mais ils font également avancer la compréhension des mécanismes encore méconnus par lesquels le système immunitaire protège contre les différents envahisseurs. ♦
À propos de cette publication
L’article intitulé « Leishmania Evades Host Immunity by Inhibiting Antigen Cross-Presentation through Direct Cleavage of the SNARE VAMP8» a été publié dans la revue Cell Host & Microbe(volume 14, numéro 1, pp. 15-25) le 17 juillet 2013. Les travaux d’Albert Descoteaux, professeur et chercheur au Centre INRS–Institut Armand-Frappier, et de ses coauteurs ont été rendus possible grâce au soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada, des Chaires de recherche du Canada, de la Fondation universitaire Armand-Frappier de l’INRS et du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.