- Science et société
La directrice du Centre Eau Terre Environnement et planchiste se livre sur la passion qui l’anime depuis l’âge de 12 ans.
Nous vous connaissons comme scientifique dévouée à la cause environnementale, mais pas en tant que planchiste. D’où vient votre passion pour ce sport ?
Louise Hénault-Éthier (L H-E) : J’ai toujours été très athlétique. J’ai fait de la gymnastique et du badminton de haut niveau. À l’âge de 12 ans, je me suis mise au snowboard et, pour continuer à pratiquer l’été, j’ai décidé de faire du skateboard. Au début, ça a été très difficile; j’étais totalement nulle ! Mais ça m’a obligée à persévérer. Ça m’a pris une année entière pour pouvoir faire des figures (ollie, kickflip). Ensuite, tout s’est enchaîné !
Y a-t-il des similarités entre vos deux passions, les sciences et la planche à roulettes?
L H-E : Assurément ! Le besoin de concentration, la persévérance et la résilience. En sciences comme en skateboard, on vit souvent des échecs. Il faut savoir se relever.
Quand une expérience scientifique ne fonctionne pas, il faut comprendre pourquoi, tenter d’obtenir le résultat voulu et le valider. Il faut créer les protocoles expérimentaux de toutes pièces. Être scientifique, c’est savoir concevoir le monde de façon très analytique. Si on n’est pas attentif au moindre détail, on peut rater ses expériences.
En skateboard, c’est un peu la même chose. Il faut inventer son parcours en faisant preuve de créativité. Certaines personnes ne voient qu’un simple banc dans un parc, alors que les planchistes voient un terrain de jeu et réfléchissent à l’endroit où ils vont rouler, s’ils vont sauter en avant ou en arrière, etc. Il faut penser à la vitesse, à l’angle, aux positions. Tout est calculé avec précision.
Être une « scientifique-planchiste » est-il un moyen de lutter contre les préjugés liés à ce sport ?
L H-E : Oui, tout à fait. Quand on pense au monde du skateboard, on pense à un sport de rebelles, mais ce n’est pas vrai. Ce n’est toutefois pas un sport conformiste. Les planchistes sont des gens très créatifs qui s’approprient l’espace urbain. Le skateboard est aussi un art.
Mon parcours contribue, un tant soit peu, à changer les perceptions. Ce que je découvre en commentant les Jeux olympiques, c’est la diversité des profils des athlètes. Certains sont contraints d’abandonner l’école à un jeune âge, pour différentes raisons, et tentent de vivre de leur passion. D’autres poursuivent leurs études aux cycles supérieurs jusqu’à la maîtrise et au doctorat.
Que pensez-vous de l’introduction de la discipline aux Jeux olympiques ? Est-ce une façon de démocratiser la planche à roulettes ?
L H-E : C’est une grande question qui fait débat. En 1998, quand le snowboard est arrivé aux Olympiques, je faisais déjà du skateboard. Je me souviens avoir pensé : « Ça y est, la prochaine discipline aux Jeux, c’est le skateboard ! » Mais ça a pris 23 ans !
Introduire le skateboard aux Jeux olympiques, c’est rendre la discipline plus visible et plus accessible. Ça fait aussi en sorte que les athlètes sont reconnus. La visibilité des Olympiques va favoriser le financement de nouvelles infrastructures pour ce sport, et l’amener plus loin.
Vous avez vous-même pratiqué ce sport à un haut niveau. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
L H-E : Une sensibilisation aux enjeux d’équité. Je pense que j’ai appris à être plus consciente des enjeux vécus par les populations et les groupes sous-représentés ou stigmatisés pour toutes sortes de raison.
Le skateboard est un sport majoritairement masculin. De 12 et 16 ans, j’allais m’entraîner toute seule et j’ai reçu beaucoup de commentaires mesquins. On m’a déjà volé et cassé ma planche. Lors des compétitions, les montants reçus par les femmes sur le podium étaient dérisoires par rapport à ceux accordés aux hommes.
On a donc créé, avec quelques amies planchistes, un collectif de filles, Les Skirtboarders, grâce auquel on a pu s’entraider, cultiver notre confiance en soi et se faire accepter dans ce sport. On était tellement nombreuses qu’on sécurisait l’espace. Ça a contribué à rendre le sport plus accessible aux jeunes filles.
Que pensez-vous des performances des athlètes depuis le début des Jeux ?
L H-E : Le niveau des athlètes est très élevé. La formule des Olympiques permet de départager celles et ceux qui résistent à la pression et qui sont constants dans leur pratique. Beaucoup de très bons athlètes perdent leurs moyens face à la pression. Ce n’est pas facile de skater sur demande.
Le format choisi pour les compétitions olympiques n’a pas nécessairement permis à nos athlètes canadiens de se hisser sur le podium dans la compétition de rue, mais n’oublions pas qu’elles et ils sont tout de même parmi les meilleurs au monde. Et que dire du courage et de la résilience de la planchiste québécoise Annie Guglia, appelée à la dernière minute comme substitut et qui a pris part à la compétition moins de 36 h après son atterrissage à Tokyo ! Ces athlètes sont des inspirations pour la relève canadienne !
À quoi doit-on s’attendre pour les épreuves finales de parc hommes et femmes du 3 et 4 août ?
Ça va être visuellement très impressionnant. C’est une épreuve tout en puissance où il y beaucoup de vitesse, et les planchistes vont sauter très haut.
La jeune athlète anglo-japonaise Sky Brown, qui représentera la Grande-Bretagne, est à surveiller. Du côté des hommes, il reste Andy Anderson, natif de Colombie-Britannique. J’ai très hâte !
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