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Porter le regard à l’intérieur des objets archéologiques pour aider à en déterminer la nature, la fabrication, l’usage et la provenance : c’est ce que promet le projet INTROSPECT associant des scientifiques rennais et québécois, dont le professeur Pierre Francus et son équipe du Centre multidisciplinaire de scanographie pour les sciences naturelles, le génie et le Nord. À Rennes, des techniques innovantes d’acquisition et de caractérisation 3D ont été utilisées en novembre 2017 pour modéliser deux ceintures de perles offertes par les Premières Nations huronne-wendat et abénakise au chapitre de la cathédrale de Chartres, à la fin du XVIIe siècle. Les chercheurs et les représentants huron-wendat et abénakis venus à Rennes espèrent retrouver les secrets de la fabrication de ces objets exceptionnels qui ont utilisés pour sceller des traités diplomatiques par les Premières Nations d’Amérique du Nord. Une étude internationale à suivre de près.
Un nouveau regard sur nos patrimoines
Les vestiges archéologiques sont des témoins fragiles à analyser, à interpréter, à préserver et à valoriser. Ces tâches complexes se métamorphosent à l’ère numérique. Jusqu’ici, les techniques de numérisation se limitaient à la surface des objets, des monuments et des sites. Les approches numériques innovantes développées par le projet INTROSPECT (soutenu par l’ANR française et le Fonds de recherche du Québec — Culture et société vont permettre de donner des informations sur la nature interne même des vestiges.
Les archéologues, les muséologues et donc le public en sauront ainsi davantage sur les matériaux, la fabrication, l’usage de l’objet et parfois même son contexte. La multidisciplinarité du projet INTROSPECT répond à un défi méthodologique important, qui fait appel à la combinaison de méthodes utilisées en sciences de la Terre, réalité virtuelle, archéologie et muséologie.
Des méthodes 3D innovantes
Les scientifiques français et québécois impliqués dans INTROSPECT utilisent les rayons X pour caractériser la nature interne des objets, et les combinent à des technologies de capture 3D telles que la microscopie numérique, la photogrammétrie et le scanner laser 3D pour la nature externe. Les reconstitutions 3D obtenues peuvent ensuite être manipulées en réalité virtuelle, ou faire l’objet d’une impression 3D. Le résultat permet de porter le regard à l’intérieur du vestige sans l’altérer, ce qui donne de nouveaux outils aux spécialistes pour définir et comprendre sa structure interne, son processus de fabrication, d’usage et son état de conservation.
À l’étude : deux wampums amérindiens vieux de 350 ans
Vers la fin du XVIIe siècle, les Premières Nations huronne-wendat et abénakise du Canada étaient alliées aux Français contre les Anglais, dans la guerre qui opposait les deux pays européens pour la possession de l’Amérique du Nord. Convertis au christianisme par des missionnaires jésuites, les Hurons-wendat firent don d’un wampum, ceinture de perles de coquillage et de verre, au chapitre de la cathédrale de Chartres qui la reçut en 1678. Ils furent suivis par les Abenakis dont le wampum comporte plus de 11 000 perles, représentant chaque membre de la Première Nation abénakise vivant alors en Nouvelle-France. Ce second wampum parvint à Chartres en 1691. La réalisation de ces deux wampums hautement symboliques a nécessité plusieurs années.
Conservés dans le trésor de la cathédrale de Chartres, ces wampums ont été confiés par la Conservation régionale des monuments historiques de la région Centre-Val de Loire aux chercheurs du projet INTROSPECT pour être étudiés à Rennes, avec le concours du Musée des Beaux-Arts de la ville. L’objectif scientifique et historique majeur visé par la caractérisation et la modélisation de ces wampums est de révéler le secret de leur fabrication, particulièrement élaborée : ils sont constitués de milliers de perles de coquillage blanches et violettes enfilées sur un tissage complexe de lanières de cuir et de piquants de porc-épic, de manière à représenter des inscriptions ou des symboles.
Signe de l’importance patrimoniale de cette étude, des représentants des Premières Nations huronne-wendat et abénakise ont rejoint les scientifiques français et québécois à Rennes pour contribuer à l’étude.
La collaboration
Le projet INTROSPECT est une collaboration d’une vingtaine de chercheurs portée par l’INSA Rennes et l’Université Laval. Elle associe les laboratoires IRISA, CReAAH, le CNRS, l’Inrap et les sociétés Image ET et BCRX, pour la France ; pour le Québec, l’Université Laval, l’INRS, le Musée des Abénakis d’Odanak, le Musée des sciences saturelles de Sherbrooke, le Centre d’interprétation de l’Ilot des palais, et le Conseil de la Nation huronne-wendat. Le projet est soutenu financièrement pour une durée de trois ans par l’Agence nationale de la recherche française et par les Fonds de recherche du Québec — Société et Culture. ♦
Texte et images reproduits avec la permission de l’Université de Rennes 1.
Adaptation mineure : Jean-Daniel Bourgault, INRS
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